Aussi loin que ma mémoire remonte, j’ai toujours été ce que l’on appelle communément un « sportif ». 

Mon premier grand amour, comme la majorité des enfants du pays, se porta sur le football. Cette passion, qui m’anima de mes six ans jusqu’à l’adolescence, me fut transmise par mon père. Pour l’anecdote, je fus prénommé en hommage à son joueur favori, le hollandais vollant, Johan Cruyff. Heureusement, ma mère eut tout de même la bonne idée d’adapter l’orthographe à la prononciation française. Avec un tel prénom, pas de place pour le doute. Je serais footballeur. 

A l’été 1998, j’avais 9 ans. Le football prend alors une place d’une toute autre importance. Je fus profondément marqué par cette Coupe du Monde épique et son influence sur tout un pays. Je pris la mesure d’une définition plus large du sport. Il ne s’agissait plus simplement d’amusement et de camaraderie. Il était maintenant question de vaincre dans l’adversité, de dépasser ses propres limites, d’union populaire et de consécration. Dès lors, je passais des jours entiers au stade du quartier à travailler mes gammes. Déjà, une intuition : le sport est une affaire tout à fait honnête. On obtient ce que l’on est prêt à investir en temps et en sueur. On en a pour son effort, en somme, car dans la répétition se cache toutes les qualités. 

Mais voilà, comme beaucoup de joueurs, une vilaine fracture avorta une carrière potentielle. Bien sûr, toutes les blessures finissent par guérir. Je ne gardais que très peu de séquelles de la mienne. Mais je ne parvins pas à récupérer mes sensations et le plaisir de jouer se transforma rapidement en frustration. Dans l’incapacité d’évoluer au niveau que je m’étais fixé, je préférais arrêter. 

Un sportif sans sport est un homme malheureux. Le manque ne mis pas longtemps à se manifester. Il n’était pas question de revenir sur ma décision, non. Elle était définitive. Cependant, je sentis qu’une carence persisterait, même après avoir fait le deuil du football. J’étais prêt à renoncer à un sport, mais pas au sport. Il fallait me réinventer. 

Grâce à mon petit frère, je découvris une nouvelle discipline : Le freefight, comme appelé à l’époque. Sa pratique était encore très peu rependue et les instances sportives françaises la regardaient d’un mauvais œil. 

Mais voilà, l’interdit piqua ma curiosité et je décidai de faire ma propre opinion. Je rencontrai alors une discipline plus proche de l’art martial que du défouloir animal. Sa véritable appellation, d’ailleurs, témoigne d’une certaine noblesse : Mixed Martial Arts, les Art Martiaux Mixtes. 

Je fus immédiatement conquis par cette discipline et la densité de ses enseignements : la Boxe Anglaise, le Muay Thai, la Lutte, le Jiu Jitsu Brésilien, mais également le Karaté, le Kick Boxing et le Judo. Lorsqu’on admet que le sport est une école du développement, on ne peut être qu’admiratif face à un tel potentiel d’évolution. Cette diversité se présentait à moi comme autant de matières à étudier. 

L’appel de la compétition se fit rapidement sentir. Malheureusement, pas question, à l’époque, de combattre en France. Il restait une autre solution, se frotter au circuit amateur belge. Cela devint rapidement un objectif. Avec l’objectif, l’élaboration d’une feuille de route pour l’atteindre. Mon plan était clair, il n’y avait plus qu’à m’y atteler. 

Cette démarche me permis d’atteindre un bilan de 10 victoires pour 1 défaite. Cela m’a surtout offert de magnifiques souvenirs et permis de vivre des émotions parmi les plus intenses que j’ai eu la chance de ressentir. La passion, cette douce folie. 

Niveau professionnel, mes perspectives me suscitaient de bien moins vives émotions. J’étais en deuxième année de master en commerce international et, plus la fin de mes études approchait, plus je m’interrogeais sur le futur. J’ai pourtant toujours eu le désir de trouver un métier lié au sport. Professeur d’EPS, Masseur-Kinésithérapeute, Entraineur, les pistes étaient nombreuses. Cependant, elles furent toutes décrédibilisées par une conseillère d’orientation : je n’avais pas un profil assez scientifique. 

Mes études finirent mais je ne pouvais me résoudre à entamer une carrière qui ne m’emballait que très peu. Je me retrouvais perdu, le moral au plus bas. J’avais besoin de prendre l’air. 

 

L’Amérique, un nouveau défi

 

Comme toujours dans les voyages à caractère initiatique, je savais ce dont je cherchais à m’éloigner sans réellement savoir ce que j’allais trouver. Je me lançais au-devant d’une aventure unique.

C’est dans cet état d’esprit que je débarquai à Los Angeles. Sa gigantesque université, les buildings du centre-ville, le ciel rose-orangé typique de la Californie au soleil couchant. Il est toujours merveilleux de parcourir une carte postale, et je ne fus pas déçu. 

Quitte à vivre un rêve, autant le faire à fond. En France, les compétitions de MMA étaient encore interdites. Ici, l’Ultimate Fighting Championship poursuivait une incroyable conquête du public nord-américain pour devenir le quatrième sport le plus populaire. Les têtes d’affiches, comme Anderson Silva, Ronda Rousey ou Georges Saint-Pierre, étaient de véritables superstars. Pas question que je laisse filer une telle occasion. Je me renseignais donc sur les clubs de MMA de la ville. 

La première fois que je rencontrai Maestre Raphael Cordeiro, ce fut après avoir timidement passé la porte de son club, le Kings MMA. Qu’on soit clair, cet homme est une légende. Coach de l’année à plusieurs reprises, il a formé les plus grands ! Me voilà inscrit au cours débutant. A la fin de la séance, il me proposa, avec un accent brésilien à couper au couteau, d’intégrer le groupe professionnel. Je n’en croyais pas mes oreilles. Il m’offrait l’occasion de m’entrainer avec plusieurs combattants évoluant à l’UFC, dont deux champions du monde : Fabricio Werdum et Raphael Dos Anjos.  

Les premières séances furent pour le moins difficiles. J’échangeais des coups avec des athlètes dont la vie toute entière était consacrée à ce sport. Je pris de véritables raclées et rentrai bien souvent chez moi avec un mal de crâne que deux Dolipranes ne suffisaient pas à soulager. Une chose était évidente, l’exigence physique était tout autre à ce stade et je n’étais pas au niveau. Un nouveau champ de connaissance s’ouvrait alors à moi. Celui de la préparation physique

Mais voilà, le rêve américain a un prix et mes économies fondent à vue d’œil. Après quelques mois, la fin de l’aventure semble irrémédiable. Je préviens avec regret Paul chez qui je loue une chambre. Je m’entends très bien avec cet instituteur de 47 ans d’une grande gentillesse. C’est alors que ce dernier me propose un marché : être son coach sportif pour l’aider à perdre du poids contre une réduction de loyer. Coup de chance ! L’accord est conclu. Je me documente sur cette pratique et organise des séances adaptées. Les retours de Paul m’encouragent « You’re a natural ! ». 

Mes premiers pas inattendus dans le monde du coaching sportif sont plus que satisfaisants. Je me découvre de nouveaux traits de caractère. Un goût pour la transmission, une facilité pour accompagner et une patience lorsqu’il s’agit d’enseigner. Une sensation d’accomplissement s’empare de moi lorsque Paul me parle des effets de sa transformation sur la confiance en lui. C’est la première fois qu’une activité «professionnelle» me confère ce sentiment d’utilité. Paul m’incite à me convertir, à en faire mon métier à plein temps, mais je ne le prends pas vraiment au sérieux.  Pourtant cette idée restera dans un coin de ma tête …

 

Le Canada, perdre le nord

 

Un ami d’enfance vivait à Montréal depuis quelques mois. Il semblait s’y épanouir. Il y avait du travail et je ne pouvais me résoudre à rentrer en France. Je n’avais pas encore trouvé ce que j’étais parti chercher. Je décidais de le rejoindre. 

Mon ami n’avait pas menti. Je trouvais rapidement un poste dans le commerce. La paie était correcte et je mettais en pratique ce que j’avais acquis pendant cinq années d’études. Au moins, je n’aurais pas fait tout ça pour rien. Mais je fus rapidement pris dans une routine chronophage qui me laissait à peine le temps de ma pratique physique. L’idée de devenir coach sportif me sortit complètement de l’esprit. 

Les semaines passèrent ainsi, saturées par un boulot qui n’avait d’autre sens que le salaire. Puis les semaines se transformèrent en mois. Je n’étais pas très épanoui, je ne pouvais pas me le cacher, mais au moins, j’avais réussi à me construire une situation. Pourtant, ce relatif confort matériel ne pouvait totalement compenser cette sensation que quelque chose n’était pas à sa place. 

« Tu es coach ? » lança un promeneur alors que je m’entrainait avec un ami dans un parc. Mon partenaire ne me laissa pas le temps de répondre. « Oui, c’est mon coach personnel ». Le passant, intéressé, me demanda rapidement ma carte. Pris de court, je bégaye et propose d’échanger nos numéros de téléphone. Il deviendra mon premier vrai client. 

Cet événement me sort d’une certaine léthargie. Je ne pouvais plus continuer comme ça. Je décide de saisir cette opportunité et m’inscris à une formation de Préparateur Physique aux cours du soir. Mon emploi du temps, déjà chargé, deviens exténuant. Je m’accroche. 

L’étude approfondie de la préparation physique me passionne. Quel bonheur ! Bientôt, le déclic, comme une évidence. Je trouverai un moyen de faire de cette passion ma profession. J’obtiens le diplôme de certification de Personal Trainer YMCA.

Il se pourrait que j’ai enfin fini par trouver ce que j’étais venu chercher. Je décide de rentrer en France, fort d’une ambition renouvelée. 

 

Le retour en France, enfin se réaliser

 

Je retourne à Lille pour assouvir ma soif de réussir. Pas de chance, mon diplôme de coach sportif canadien n’est pas reconnu en France. Pas de quoi me décourager. Le plan n’a jamais été aussi clair dans mon esprit.

La première année suivant mon retour, je me consacre pleinement à la formation BPJEPS option haltérophilie. J’apprends énormément, j’approfondi mes connaissances, découvre de nouvelles matières. Pourtant, je me confronte à une réalité qui se veut décourageante. La France n’est pas le pays la préparation physique est le plus démocratisée, sans parler des nombreuses embuches administratives et financières qui se présentent à tout jeune entrepreneur qui lance son affaire. Ainsi, la moitié des coach fraichement diplômés reprennent leur ancien métier au bout d’un an. Tant pis, on verra bien. 

Les premiers temps sont durs. Je suis embauché par une salle de sport du centre-ville et suis rémunéré en fonction d’une activité qui peine à décoller. Cela se fait ressentir sur mes revenus et me force à effectuer des livraisons en vélos. Pourtant, j’y trouve mon compte car j’étoffe mon carnet d’adresse d’une clientèle sérieuse et volontaire. 

Après quelques mois, ce qui devait arriver arriva. La salle ferme pour motif économique. Je décide, avec mon ami de longue date ayant suivi la même formation, de poser notre candidature pour donner vie à notre projet. Convaincus du potentiel, nous y investissons énormément de temps et d’énergie et, comme c’est toujours le cas en sport, le travail fini par payer. Notre dossier est retenu par Now coworking pour reprendre le local vacant. C’est la naissance de notre salle privée : Le Hook

Contre toute attente, notre nombre d’abonnés augmente de manière satisfaisante. Cela me permet d’abandonner la livraison pour me consacrer tout entier à ce beau projet. Les cours collectifs se remplissent et je dispense de plus en plus de sessions privées individuelles. Cette histoire ne fut pas de tout repos mais aujourd’hui, j’ai la chance de vivre exclusivement de ma passion. 

 

Demain, poursuivre l’aventure

 

J’ai conscience d’être privilégié d’avoir un travail que j’ai choisi et que j’aime profondément. Je cherche toujours à me perfectionner en approfondissant mes connaissances par des formations pour proposer le meilleur service. Hors de question de me reposer sur mes acquis. La Préparation Physique est une matière meuble, en constante évolution. Les possibilités d’amélioration sont quasi-infinies. 

Et puis, il y a les adhérents. Des femmes et des hommes qui me confient une tache, me font confiance. Une remise en forme, un renforcement spécifique, une préparation au vue d’une compétition à venir… Il y a autant de projets que d’individus dans le coaching sportif. Il s’agit donc de m’adapter en permanence en fonction des singularités et des progrès de chacun. Mon activité ne laisse que très peu de place à la routine. J’adore ça ! Ces rencontres sont une incroyable source d’enrichissement personnel. 

J’espère que cette aventure ne fait que commencer et qu’elle durera longtemps encore. Que je rencontrerai toujours plus de personnes qui me proposeront encore plus de défis. Si, à l’issue de ce parcours, j’ai aidé ces personnes à se sentir bien, à améliorer leur santé, leur confiance en eux, à être performants et atteindre leurs objectifs, alors j’aurais le sentiment d’avoir rempli ma mission.

S’il y a bien une chose que mes péripéties m’ont apprises, de mes désillusions sportives jusqu’à mes aventures américaines, c’est que il n’y à rien qu’une bonne dose de volonté ne peut accomplir. Il suffit de se fixer un objectif sensé, élaborer un plan et toujours se donner les moyens de le réaliser. C’est un peu le résumé de mon métier, finalement. 

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